L’impact croissant du trafic vidéo sur Internet : Enjeux énergétiques, infrastructures et bonnes pratiques

Avec l’essor des plateformes de streaming, des réseaux sociaux et des jeux en ligne, le trafic vidéo est devenu une composante incontournable du paysage numérique. Que ce soit pour le divertissement, l’éducation ou la communication, la vidéo occupe une place prépondérante dans notre usage quotidien d’Internet. Mais au-delà de l’usage, cette croissance exponentielle soulève des questions cruciales sur la consommation énergétique et les infrastructures nécessaires pour soutenir cette demande.

Une part dominante du trafic Internet

Les statistiques parlent d’elles-mêmes : la vidéo domine largement le trafic Internet mondial. En 2020, une étude de Cisco1 prévoyait que la vidéo représenterait 82% du trafic IP mondial. D’autres sources ont même estimé ce chiffre à 84%, soit une multiplication par 95 par rapport à 2005. Cette croissance fulgurante est portée par des acteurs majeurs comme Netflix, YouTube et Amazon Prime Vidéo, mais aussi par l’essor de nouveaux formats comme les vidéos courtes sur TikTok ou Instagram Reels.

Ces chiffres pourraient même être sous-estimés, car la vidéo est omniprésente dans d’autres types de trafic, comme les réseaux sociaux (12,69% du trafic global) et les jeux en ligne (5,67%).  Ces nouvelles habitudes de consommation viennent encore accentuer l’importance de la vidéo dans l’écosystème numérique mondial.

Exemple concret :

Chaque minute, plus de 500 heures de vidéos sont mises en ligne sur YouTube. En parallèle, des millions de vidéos sont partagées sur Facebook, Instagram et TikTok, transformant la vidéo en un des principaux moteurs de notre consommation numérique.

1- Le Plan Très Haut Débit en France : L’article mentionne cet investissement gouvernemental de 20 milliards d’euros, ce qui est une information vérifiable auprès des sources officielles françaises

Une consommation énergétique croissante

Si le trafic vidéo en ligne permet une accessibilité sans précédent à des contenus variés, il n’en demeure pas moins que cette croissance a un impact considérable sur la consommation énergétique mondiale. Le streaming vidéo, particulièrement en haute définition et ultra haute définition (4K et au-delà), requiert une bande passante importante et des infrastructures toujours plus puissantes. Le visionnage de vidéos en ligne génère une demande accrue en énergie, tant pour les data centers que pour le réseau de distribution.

Le rapport du Shift Project attire l’attention sur l’empreinte carbone du numérique. Il estime qu’une heure de vidéo en streaming produit environ 300 grammes de CO2, soit l’équivalent de la consommation énergétique d’un réfrigérateur pendant une année entière. En France, le trafic Internet a d’ailleurs bondi de 25% entre 2020 et 2021, en grande partie en raison de la demande croissante pour les contenus vidéo.

Comparaison des qualités vidéo :

L’impact énergétique du streaming dépend en grande partie de la qualité de la vidéo visionnée. Par exemple :

  • Une heure de vidéo en Full HD (1080p) consomme environ 670 W, soit l’équivalent de 6h30 de pédalage sur un vélo statique.

En revanche, en réduisant la qualité à 480p, cette consommation chute à 112 W, soit environ 36 minutes de pédalage.
Ces chiffres illustrent l’impact significatif du choix de la qualité vidéo sur la consommation énergétique.

Impact du réseau utilisé :

Il est également important de considérer le réseau utilisé pour visionner des vidéos. Utiliser un réseau mobile (4G) plutôt que le Wi-Fi domestique peut multiplier par 5,8 la consommation énergétique du streaming vidéo. Cela s’explique par l’infrastructure plus coûteuse en énergie des réseaux mobiles par rapport aux réseaux fixes.

Variabilité selon les pays :

L’empreinte carbone du streaming varie également en fonction du mix énergétique du pays. Par exemple :

  • Une demi-heure de streaming sur Netflix génère environ 0,027 kg de CO2e en Australie (Source : les numériques), en raison de la forte dépendance du pays aux énergies fossiles.
  • En France, ce chiffre tombe à seulement 0,002 kg de CO2e, grâce à la part majoritaire du nucléaire dans la production énergétique, une source largement décarbonée.

Ces différences rappellent que le contexte énergétique d’un pays joue un rôle crucial dans l’impact environnemental des activités numériques.

Vers une conscience écologique ?

Face à ces constats, certaines entreprises technologiques prennent des mesures pour limiter leur impact environnemental. Netflix et Google, par exemple, s’engagent à réduire leur empreinte carbone en investissant dans des sources d’énergie renouvelables et en optimisant leurs data centers.

L’impact sur les infrastructures réseau

Cette montée en puissance du trafic vidéo n’est pas sans conséquence sur les infrastructures réseau. Les fournisseurs d’accès à Internet, les opérateurs mobiles et les gouvernements doivent répondre à cette demande en investissant massivement dans la modernisation des réseaux. En France, le Plan Très Haut Débit a vu le jour avec un investissement de 20 milliards d’euros, visant à étendre la fibre optique sur l’ensemble du territoire.

En parallèle, le déploiement de la 5G, notamment dans les grandes villes, constitue une réponse aux besoins futurs du réseau. La 5G promet des vitesses de connexion plus rapides et une capacité accrue pour éviter la saturation des réseaux 4G. Cependant, cela s’accompagne de nouveaux défis techniques, tels que l’installation d’antennes supplémentaires et l’équilibrage entre couverture urbaine et rurale.

Un regard vers l’avenir :

Les câbles sous-marins, véritables autoroutes invisibles de l’information, sont également un élément essentiel de cette infrastructure globale : ils acheminent les milliards de gigaoctets de données générées chaque jour. Avec la pose de nouveaux câbles reliant les continents, le volume de données à acheminer augmente chaque jour. Ces infrastructures sont indispensables pour maintenir la fluidité du réseau face à la demande exponentielle de contenus vidéo.

Un équilibre à trouver entre innovation et durabilité

Alors que la vidéo continue de croître en importance, l’équilibre entre innovation technologique et durabilité devient un enjeu majeur. Bien que les progrès en matière d’efficacité énergétique et d’infrastructures permettent de répondre à cette demande croissante, il est crucial que les gouvernements, les entreprises et les utilisateurs adoptent une approche plus responsable.

Quel rôle pour l’utilisateur ?

Adopter des habitudes de consommation numérique plus responsables peut également avoir un impact positif. Par exemple, réduire la qualité des vidéos visionnées sur des écrans de petite taille, comme les smartphones, ou privilégier les téléchargements plutôt que le streaming en direct sont des actions simples qui peuvent faire une différence.

Solutions technologiques pour un streaming plus durable

Face à cette demande croissante, l’industrie technologique travaille activement sur des solutions pour réduire l’impact du streaming vidéo. Des innovations telles que les codecs vidéo plus efficaces jouent un rôle clé.

Exemple de solution :

Le codec HEVC (High Efficiency Video Coding) permet une compression vidéo environ 50 % plus efficace que le codec H.264, largement utilisé aujourd’hui. Cette amélioration réduit la bande passante nécessaire pour la transmission des vidéos, sans sacrifier la qualité, et contribue ainsi à limiter l’empreinte énergétique.

D’autres technologies, comme l’optimisation des data centers avec des énergies renouvelables, ou le développement de réseaux plus efficients, sont également des pistes prometteuses pour réduire l’impact environnemental du streaming.

Conseils pratiques pour les utilisateurs

En tant qu’utilisateurs, nous avons aussi un rôle à jouer pour réduire l’empreinte énergétique de nos habitudes numériques. Voici quelques gestes simples qui peuvent contribuer à un usage plus responsable du streaming vidéo :

  1. Adapter la qualité vidéo à l’écran utilisé : Si vous regardez des vidéos sur un smartphone ou une tablette, passer d’une qualité Full HD à 720p ou 480p suffira largement pour une expérience visuelle de qualité, tout en réduisant significativement la consommation énergétique.
  2. Privilégier le Wi-Fi aux réseaux mobiles : Lorsque c’est possible, privilégiez le Wi-Fi domestique, qui consomme moins d’énergie que les réseaux mobiles, surtout pour des visionnages prolongés.
  3. Télécharger les vidéos plutôt que de les streamer en boucle : Si vous prévoyez de regarder un contenu plusieurs fois, téléchargez-le plutôt que de le streamer à chaque fois. Cette simple action peut réduire drastiquement la consommation de bande passante et d’énergie.
  4. Désactiver la lecture automatique : Sur des plateformes comme YouTube ou Netflix, la lecture automatique peut entraîner une consommation excessive de vidéos non désirées. Désactiver cette fonction permet de mieux contrôler son temps de visionnage et sa consommation d’énergie.

Conclusion

La domination du trafic vidéo sur Internet est indéniable et son impact sur la consommation énergétique, ainsi que sur les infrastructures réseau, constitue un défi crucial pour les années à venir. Alors que l’innovation continue de transformer nos usages numériques, il est essentiel d’accompagner cette évolution d’une réflexion sur la durabilité. Les avancées technologiques, telles que la 5G ou l’optimisation des data centers, offrent des perspectives prometteuses, mais elles doivent être intégrées dans une stratégie globale de consommation responsable.

En tant qu’acteur de cette industrie, nous sommes convaincus que l’innovation et la durabilité peuvent et doivent coexister. Développer des solutions technologiques performantes tout en restant conscients de notre empreinte écologique est non seulement nécessaire, mais possible. Il en va de la responsabilité des entreprises, des gouvernements et des utilisateurs d’adopter des pratiques plus durables pour préserver l’équilibre entre croissance numérique et respect de l’environnement.

L’avenir du numérique repose sur une approche partagée où chacun a un rôle à jouer. En adoptant des technologies plus efficaces et des gestes simples au quotidien, nous pouvons répondre aux besoins croissants tout en contribuant à un avenir plus responsable et soutenable.

Ensemble, adoptons des habitudes numériques plus responsables pour un futur durable parce-que plus aucune vidéo ne devrait être diffusée sans être décarbonée.

  1. https://gblogs.cisco.com/fr/datacenter/17154/
    Le Plan Très Haut Débit en France : L’article mentionne cet investissement gouvernemental de 20 milliards d’euros, ce qui est une information vérifiable auprès des sources officielles françaises ↩︎

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